Christian Droulers

Agile and flexible programmer

Elle était là

Mes doigts fragiles avancèrent vers le bouton. J’avais peur. J’avais peur comme jamais auparavant. Non. Je suis fort, je peux le faire. La sonnette retentit à travers les murs. Était‒elle vraiment là? Était‒ce vraiment une bonne idée? J’aurais peut‒être dû vérifier l’adresse d’abord? Enfin, je ne pouvais pas vraiment faire ça. Mon cerveau ne cessait de se poser des questions quand, soudainement, une lettre fut glissée sous la porte. Je la ramassai, la dépliai et plantai mes yeux avides sur les mots écrits d’une superbe calligraphie. Pour l’instant, les mots ne faisaient que s’enregistrer dans mon cerveau sans vraiment faire de sens. Je ne comprenais pas encore que ça allait être une expérience qui influencerait toute ma vie.

“Quand tu entendras trois coups, ouvre la porte, entre, et ferme‒la derrière toi.

Ensuite, marche cinq pas devant toi et arrête. Attend‒moi là.”

J’approchai le papier près de mon visage afin de doucement inhaler le parfum qui émanait de la lettre. Était‒ce une odeur de rose? Ou de pétunia. Je ne pouvais dire, mais je savais que mon nez ne pourrait plus s’en passer. Je relaxai finalement quand la lune éclaira mon visage, appréciant enfin la chance que j’avais. Les coups se firent entendre à ce moment. Mon coeur sauta deux battements et la nervosité revint. Des questions coururent à travers mon esprit, me donnant le goût de me retourner, d’aller dans mon lit et de dormir comme si rien n’était jamais arrivé. Mais je ne pouvais pas. Je me suis rendu si loin, il n’était pas question d’abandonner. C’est ce que je voulais. Je mis ma main sur la poignée de la porte et l’ouvrit. Une noirceur totale m’accueillit. Je n’avais jamais vu un endroit si ténébreux auparavant. Lorsque je fermai la porte derrière moi, je fus englouti dans une noirceur complète. J’étais entouré d’une ombre si noire que je ne pouvais même pas voir mes propres mains. Je me mis à avancé. Un… deux… trois… quatre… cinq… Je m’arrêtai au même moment que je réalisa que je retenais ma respiration. Je tentai de prendre de grandes respirations et de relaxer. Mais il semblait que cette nuit serait remplie de tension. Même en clignant des yeux, je n’arrivais à capter aucune lumière. Elle devait avoir caché les fenêtres avec un matériel très opaque. Mes yeux se promenaient d’un côté à l’autre, espérant sans cesse attraper ne serait‒ce qu’un minuscule rayon de lumière. Sans résultats. Je commençai à devenir plus nerveux. Était‒ce une blague? Était‒elle vraiment là?

‒ Suis le son de ma voie, dit‒elle de quelque part en avant de moi.

Toutes mes pensées disparurent et je me mis à marcher maladroitement vers elle. Elle continua de m’appeler vers elle d’une voix douce et tendre qui me ferait faire n’importe quoi.

‒ Encore un petit peu, on y est presque. Ne sois pas timide, tu as très bien vu que je ne le suis pas.

J’avais effectivement vu, mais je ne savais toujours pas à quoi m’attendre avec elle à mes côtés.

‒ Arrête ici, c’est assez pour l’instant.

J’obéis. Stupide à dire, mais même si j’avais voulu faire autrement, je n’en aurais pas été capable.

‒ Ferme tes yeux et écoute bien.

Je n’avais pas vraiment le choix. Je fermai mes yeux et me concentrai exclusivement sur mon ouïe. Chaque son me rendait curieux, j’entendais un ventilateur tourner lentement au‒dessus de ma tête, sentant un léger mouvement d’air brossé ma peau. J’entendis aussi un doux mouvement, a bas rire. Une respiration nerveuse accompagnée d’un impatient hérissement.

Mon monde fut tourné sans dessus‒dessous soudainement. Ses doux, beaux doigts avaient touché mon visage. Sa peau venait d’entrer en contact avec la mienne. Sa mielleuse, douce peau caressait doucement mon corps. Je ne pouvais bouger. Je ne voulais pas bouger, de peur que tout s’arrête, que tout disparaisse. Mais ce n’était pas sur le point d’arriver.

‒ Relaxe, dit‒elle, c’est seulement toi et moi ce soir. Il n’y a aucune raison d’avoir peur.

Paraissais‒je si tendu? Je ne savais pas, tout ce à quoi je pensais était l’adrénaline qui courait à travers mes veines. C’était revigorant comme rien au monde. Sa main passa près de la mienne et je la pris doucement. Mon autre main attrapa la sienne et elles se tinrent ensemble. Ma tête descendit, guidant mes lèvres dans la recherche des siennes. Ah, le plaisir de jouer dans le noir à la recherche du magnifique oasis de beauté qu’était ses lèvres. Ce ne fut qu’un léger contact au début, puis, nos lèvres furent collées pour quelques secondes. Au troisième essai, sa langue sortit pour me chatouiller. Elle la retira et rit doucement.

‒ Tu goûtes bon, murmura‒t‒elle.

Je la goûtai en retour.

‒ Je peux dire la même chose, dis‒je.

J’essayais de ne pas paraître effrayé, ce qui était complètement le contraire de ce que je ressentais dans chacun des muscles de mon corps. Je sentais chacun de mes membres trembler. J’enlaçai son corps entier et nous laissâmes nos langues danser ensemble pour un moment qui ne pourra jamais durer assez longtemps. Je me sentais libre. Les ténèbres nous entourant ne faisaient que nous rapprocher l’un de l’autre. Rien ne pouvait nous atteindre à ce moment. Je souhaitais que ce ne soit jamais finis. Un souhait futile, mais l’espoir restait tout de même.

Mes doigts passèrent doucement à travers ses cheveux, caressant sa tête comme si c’était la chose la plus précieuse au monde. Ses mains commencèrent à creuser sous ma chemise, mangeant lentement les boutons un par un, découvrant lentement mon torse. Je ne pouvais qu’expirer, laissant le plaisir glisser le long de mon corps. Mon cerveau ne ressentait que ça. Ça ressemblait à un million de plumes qui chatouillait la peau de ma poitrine. Ses lèvres et sa langue ne semblaient jamais avoir assez de mon cou. Quand le dernier bouton abandonna la bataille contre sa gigantesque faim de chair, elle glissa ses douces mains sur la longueur de mes épaules, de mes bras, de mes coudes, de mes avant‒bras, de mes poignets et de mes mains pour finir par mes longs doigts. Puis, notre contact fut brisé quand ses mains me laissèrent. Ce ne fut pas très long avant que je prenne son visage entre mes mains et que mes lèvres se plaquent sur les siennes. Son ventre fut exploré par une main gênée, mais curieuse pendant que l’autre massait l’arrière de sa tête. Des boutons sautèrent hors de sa chemise serrée autour de son décolleté car ma main affamée demandait toujours plus. Tout à coup, elle expira fortement. Une expiration sexy, invitante. Je pouvais pratiquement l’entendre se mordre d’envie la lèvre du bas. Je venais de toucher un endroit sensible. Je caressai ses bras, laissant mes lèvres libres dans les courbes de sa poitrine, adorant chaque partie de son corps sur lesquelles elles pouvaient s’étendre. Tout dans le noir était plus beau que tout ce que je pouvais imaginer. Il n’y avait même plus de mots pour décrire l’extase que je ressentais. Et jamais je ne pourrai en trouver d’autres.

Elle pris mes épaules, me tourna de côté et me lança sur son lit juste assez fort pour me faire aimer ça. Elle monta sur moi, mettant un genou de chaque côté de mon corps. Elle prit mes mains et força mes bras à aller derrière ma tête.

‒ Tu n’as plus le droit de bouger, dit‒elle.

Je savais qu’elle souriait en disant cela. Et, selon son ton de voix, c’était un sourire très malicieux. Le type que l’on reçoit de quelqu’un qui s’attend à une très bonne nuit. Elle descendit en caressant le reste de mon corps et glissa mes vêtements vers le bas. J’entendis un léger bruissement et le contact revint. Ses fines mains caressèrent lentement l’intérieur de mes jambes, faisant très doucement leur chemin vers mes hanches. Ses lèvres laissèrent sa langue sortir pour lécher mon corps de mon pied en montant jusqu’à mon cou pendant que son corps caressait ma peau. Elle était partout sur moi. Je me sentais prisonnier de son désir et j’adorais cela. Même si j’avais voulu, je n’aurais jamais pus partir d’ici. Sa langue trouva refuge à l’intérieur de ma bouche tandis que toute la longueur de son corps couvrait le mien. Son corps chaud réchauffait le mien. Je sentis une goutte de sueur glisser sur son corps jusqu’au mien. Sa respiration était pesante, remplie de convoitise et de désir. J’essayai de l’embrasser mais elle recula pour me taquiner. Elle rit d’une manière sexy pour me faire comprendre qu’elle était en charge pour l’instant. Elle procéda ensuite à survoler mon corps, embrassant rapidement certains endroit, créant une tension presque insupportable. La tension monta encore, même si je croyais cela impossible, quand sa langue se mis à agacer mon corps. Ses lèvres, telles des déesses de chair, entrèrent dans la partie et me firent serrer les couvertures pendant que j’expirais lourdement. Au point où je ne pus plus en prendre, je la fis revenir à moi et la tourna sur le dos, embrassant ses lèvres et glissant ma main sur son corps, explorant sa magnificence. Ma bouche se dirigea doucement vers le bas, caressant toute la peau qu’elle pouvait. Là, elle trouva le paradis. Apparemment, le paradis était le sien aussi car sa respiration s’accéléra. Des gémissements doux et lents sortirent de sa bouche et ses mains prirent ma tête pour me caresser les cheveux. Je continuai à explorer cet endroit merveilleux jusqu’à ce que je sente qu’elle ne pouvait en prendre plus. Je glissai mon corps sur le sien, touchant ses lèvres des miennes.

‒ Prends‒moi, dit‒elle en respirant rapidement.

Je le fis tout de suite. Quand nos corps se connectèrent, je la sentis se tendre. J’allais et je venais lentement, synchronisant ma respiration avec la sienne, sentant son doux intérieur. Quand j’augmentai le rythme d’un cran, ses bras enlacèrent mon corps, me rapprochant en détruisant tout espace qu’il pouvait rester entre nous deux. Ses ongles égratignèrent la peau de mon dos, envoyant un frisson dans tout mon corps. Je pouvais l’entendre gémir par‒dessus les sons que nos corps faisaient en se caressant. Je pouvais sentir la chaleur de sa respiration sur mon visage. J’étais aux anges.

Elle leva ses genoux et mon corps suivit avec une cadence accélérée. Ses gémissements devinrent de petits cris qui augmentaient de volume avec chaque aller‒retour. C’était beau. Je ne pouvais retenir ma voix, je gémis avec ses cris, laissant l’extase emplir mon corps, sentant chaque muscle tendu à un point presque insupportable. Je la sentais au même point que moi car j’entendais ses mains creuser profondément dans le matelas, son dos pliant vers le haut. Soudainement, les cris s’arrêtèrent. Ce ne fut plus qu’une respiration retenue qui dura plus de vingt secondes avant la culmination du plaisir. Je ne pus endurer cette excitation, ce plaisir si charnel, je me laissa aller, libérant nos deux corps de cette belle douleur que nous endurions. Ses bras m’enlacèrent de nouveau et son étreinte était si forte que je dû travailler pour garder mes mouvements réguliers pendant que nous venions ensemble. Puis, ce fut terminé. Je laissa mon corps crouler sous l’épuisement sur le sien. Sa bouche près de mon oreille, la mienne près de la sienne. Tout ce sur quoi je pouvais me concentrer était nos deux lourdes respirations. La sienne courait le long de mon cou, me donnant un frisson et la chair de poule.

‒ Merci, murmurai‒je.

Elle rit doucement.

‒ C’est moi qui te remercie, répondit‒elle.

Je souris dans le noir. Je ne savais plus quoi dire. Je ne bougeais simplement plus. C’était mieux ainsi je crois. Le silence ne pourra jamais être autant à sa place qu’il l’était à ce moment là. Je pris ce temps pour me rappeler comme tout avait débuté…

Un simple lien sur un blog que je lisais régulièrement. C’était si simple. “TremÄ” était son surnom. Quelques mois passés à visiter régulièrement, à attendre une mise à jour, une photo, une partie de ses pensées, une petite vision de son magnifique corps. Chaque semaine j’étais heureux de voir ses mystérieuses pièces d’art. Une photo qui révélait des milliers et des milliers de mots sans jamais révéler son visage. Chaque semaine je pouvais lire ses merveilleux, joyeux mots jusqu’à ce fatal mois où elle sembla disparaître. Pas de mise à jour habituel. Je retournai la semaine suivante, toujours rien. La suivante encore… je commençai à désespérer. J’essayai de croire qu’elle était partit en voyage et qu’elle reviendrait très vite. Mais à la cinquième semaine, je n’en pouvais plus. Chaque jour je visitais son site, espérant la revoir. Je lui écrit un petit message par courriel.

Bonjour, je me demandais simplement si tout allait bien!

‒‒ Un admirateur concerné.

La réponse vint deux jours plus tard.

Bonjour, merci de m’écrire. Tout va bien, j’ai seulement quelques petits problèmes personnels et techniques ces temps‒ci, je devrais être de retour bientôt.

‒‒ TremÄ.

Tout au long de ces courts et gentils courriels, nous apprîmes à se connaître. En écrivant des pièces de nous‒même à l’autre, découvrant des choses auxquelles nous ne nous attendions pas. Ensuite, lorsqu’elle se remit à mettre son site à jour, nous passâmes à la messagerie instantanée pour découvrir encore plus l’autre. Mais, avec le temps, même si je désirais toujours revoir des photos, même si je désirais toujours revoir ses mots, ils paraissaient toujours moins attrayants que les conversations que j’avais avec elle. Je sentais que la seule raison qui me poussait à me connecter était l’espoir de la voir sur ma liste de personnes connectées. Nous passâmes des heures à discuter de croyances, de goûts, de passe‒temps mais surtout du plus important: le sexe.

Un jour, elle me proposa l’impensable.

‒ Je veux te rencontrer, écrit‒elle.

‒ Quoi? demandais‒je, perturbé par le fait qu’elle voudrait briser le mystère.

‒ Dans la vraie vie. Je veux être plus que seulement ton fantasme.

‒ Mais je ne veux pas te voir. Je ne veux pas voir ton visage. Je veux que tu restes seulement un fantasme. Je t’ai découvert pièce par pièce et je ne veux même pas m’imaginer ce que ça serait de détruire le mystère qui crée ton charme.

‒ Tu n’auras pas à briser le mystère, crois‒moi.

Et elle me donna une adresse. Maintenant, je suis ici, dans ce moment paisible, avec elle dans mes bras. Même dans le noir elle était belle. Je ne le regrettais pas. Une partie de mon fantasme avait disparu, mais le mystère n’était pas détruit. Elle était juste à côté de moi, mais invisible quand même. Je me sentais libre avec elle. Satisfait et parfaitement à ma place dans ce monde.

Une heure plus tard, je sentis qu’il était temps de partir. Je l’embrassai sur ses douces lèvres puis je jouai dans la noirceur en m’habillant. Je marchai ensuite maladroitement vers la porte. “Merci” dis‒je en sortant. La conduite vers chez moi fut bizarre. Je sentais que, pour une raison obscure, je ne la reverrais jamais. Je me couchai avec un énorme sourire quand même. Ce fut vraiment une nuit glorieuse.

Il n’y eut pas de mise à jour la semaine suivante. Je du me contenter de ses moins récentes photos pour satisfaire mon appétit pour son corps. Mais, il vint un temps où ses photographies ne pouvaient plus satisfaire ma faim. J’avais eu plus, et je ressentais le besoin d’avoir plus encore. Son érotisme ne pouvait plus me satisfaire. Des jours et des jours j’ai passé à penser à son doux enlacement, me demandant si tout allait bien. Aucun courriels dans ma boîte de réception, aucun signe d’elle sur la messagerie instantanée. Elle ne répondait même plus à mes courriels. Je commençai à croire qu’elle avait changé complètement de vie.

Quatre mois passèrent. Je l’avais complètement oublié. Elle faisait partie du passé et je ne me souvenais que du plaisir de notre rencontre. Un matin, pendant que je déjeunais, j’entendis du bruit dans le corridor. J’ouvris la porte pour apercevoir des déménageurs transportant des meubles vers le dernier appartement du bloc. Il y avait une jolie femme qui les suivait. Elle me regarda et sourit.

‒ Bonjour! Je suis ta nouvelle voisine! dit‒elle joyeusement.

Elle avança sa main, je la serrai stupidement.

‒ Cool, mon nom est Sefane, content de te rencontrer, dis‒je.

‒ Je suis Anaïs. J’espère pouvoir te parler plus tard.

Et elle partit vers son appartement, presque en gambadant de joie. Tout à coup, mon esprit se réveilla et couru pour tenter de reconnaître cette voix.

‒ Attend! m’exlamai‒je.

‒ Oui, qu’y a‒t‒il?

‒ Est‒ce que ton nom s’écrit avec un tréma?

‒ Mais oui, pourquoi demandes‒tu cela?

Je ne pus que sourire. Je l’avais complètement oublié. Et elle était là.

À TremÄ…

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